ANALYSE DU 11 Novembre 2010
Après des velléités de neutralisation des principaux partis de l’alternance et face à la honte publique de plus en plus internationalisée, le Gouvernement n’avait pas d’autre choix que d’arrêter unilatéralement ses pratiques d’abus de droit, formes nouvelles de la dictature juridique et administrative. Devenu juge et partie dans une République où le respect de la loi se confond avec le respect de la volonté unilatérale du Ministère de l’Administration du territoire, il y a bien lieu de considérer comme une véritable victoire le retour de deux partis politiques (OBUTS et ANC) dans le jeu de la démocratie en devenir du Togo.
1. L’INDISPENSABLE SOLIDARISME CONTRACTUEL ENTRE LES PARTIS DE LA VERITE DES URNES
En délivrant le récépissé de déclaration aux deux formations politiques OBUTS (Organisation pour Bâtir dans l’Union un Togo Solidaire) et ANC (Alliance Nationale pour le Changement), le Ministère de l’Administration territoriale, vient de réinsérer au sein du champ politique togolais officiel, le camp de la Vérité des Urnes et des Comptes publics. Cela ne s’est pas fait sans combat juridique pour le premier, lutte acharnée dont une partie dans la rue pour le second. Ils ont en commun de refuser l’abus de droit, ce que la communauté internationale a bien compris en influençant discrètement le processus de refondation démocratique du Togo. Il ne faut pas oublier que la nouvelle crise politique togolaise s’est aggravée depuis la seconde usurpation de la vérité des urnes datant des élections présidentielles du 4 mars 2010. Si le Togo avait connu un deuxième tour de scrutin, les fraudes du premier tour auraient pu être corrigées comme cela semble être le cas en Guinée. Il est tout à l’honneur des dirigeants du FRAC (Front Républicain pour l’Alternance et le Changement au Togo) élargi, de se réorganiser sur la base d’alliance formelle et contractuelle pour se donner les conditions de l’alternance au Togo :
- adopter une approche contractuelle de solidarisme entre chacun des partis et associations membres ou sympathisants du FRAC ;
- démocratiser le fonctionnement interne des partis politiques de l’alternance en s’assurant que les décisions se prennent sur la base d’une réglementation interne fondée sur le consensus ;
- mener ensemble et de manière concertée et démocratique la poursuite de la lutte pour le retour de la vérité des urnes et des comptes au Togo en informant systématiquement le Peuple togolais et les communautés africaines et internationales des dérapages et pratiques hégémoniques du pouvoir pour empêcher le retour de la vérité des urnes.
Les tentatives du pouvoir RPT/AGO et certains alliés stratégiques discrets tentent de faire oublier l’impératif de la démocratie, et empêchent donc de soutenir les approches permettant au Peuple togolais de s’autodéterminer. Il y a donc lieu de bien distinguer entre ceux qui défendent la vérité des urnes et optent pour la refondation démocratique du Togo et ceux qui préfèrent la contrevérité des urnes et tentent de promouvoir la confusion et le doute.
Notamment en tentant de faire croire aux populations togolaises que l’approche d’une « refondation de la République », refondation sans la démocratie, serait la meilleure voie à suivre pour réussir le mélange de tous genres que constitue le Gouvernement d’union nationale dessiné arbitrairement et unilatéralement par le RPT/AGO.
Il convient donc d’être très vigilants et de repérer ceux qui veulent tromper le Peuple en promouvant une refondation sans le mot « démocratique » et surtout en occultant le contenu d’une démarche démocratique. Le volet démocratique est très important car il semble que c’est bien l’absence de ce mot et de cette pratique, dans le fonctionnement du RPT et de l’ex-UFC qui a permis le mariage politique entre le RPT et les AGO, les amis de Gilchrist Olympio. En effet, l’éclatement de l’UFC a permis de renforcer la concentration du pouvoir dans le reliquat du parti UFC-AGO. C’est donc une forme de centralisme non démocratique qui est souvent mis en œuvre à distance, compte tenu de l’absence du principal protagoniste de la capitale togolaise. C’est donc bien le non-respect du règlement intérieur de l’UFC par celui qui aurait du en être le garant qui a conduit à la scission au point où la plus grande majorité des cadres et représentations ont préféré démissionner collectivement et individuellement pour revivre au sein de l’ANC. Maintenant que cette page est tournée, il ne faudrait pas que l’ANC se fasse contaminer par ces mauvaises pratiques et donne au contraire l’exemple de la démocratie au sein de ce nouveau parti. C’est aussi la même tendance qui semble se dessiner pour le parti OBUTS.
2. REFONDATION DEMOCRATIQUE AU TOGO OU REFONDATION DE LA REPUBLIQUE : QUE VEUT LE PEUPLE ?
La reconnaissance officielle de fait d’OBUTS et de l’ANC ouvre de nouvelles perspectives politiques pour un Togo démocratique. Tous les leaders d’un FRAC élargi devront nécessairement prendre conscience qu’il y a lieu de signer une convention de partenariat entre chacune des structures qui partagent en commun l’exigence du retour de la vérité des urnes au Togo. Ce regroupement qui ne peut qu’évoluer en refondation démocratique du Togo doit pouvoir comprendre, outre les anciens membres du FRAC, le parti OBUTS et les Associations et mouvements citoyens engagés pour la victoire de la vérité des urnes, tôt ou tard au Togo.
C’est ainsi que cette nouvelle direction de l’alternance au Togo rentrera dans l’histoire. Car réussir à créer un front commun pour chasser la contre-vérité des urnes du Togo n’est plus un choix, mais une obligation incontournable si l’on cherche à refonder le Togo sur la base d’un retour de la confiance. C’est le Peuple togolais qui pourra alors décider qui des deux grands partis dans lesquels les courants seront alors bien identifiés, se verra confier l’avenir du pays vers la prospérité partagée. Mais rien n’empêche ces deux grands partis de proposer au peuple une plateforme commune. Une sortie de crise pacifique dans ces conditions ne peut se faire que par le biais d’une transition où le pouvoir actuel n’est pas juge et partie.
Car toute solution de refondation non démocratique de la République a pour objet de récréer le fourre-tout du gouvernement dit d’union nationale où chacun se tait pour pouvoir manger un peu des miettes laissés par les 13 milliardaires de Pya. Il va de soi que la Commission vérité, justice et réconciliation ne peut écrire à son agenda la vérité des comptes publics, si ses membres tiennent à continuer à servir de prête-nom à la vraie-fausse réconciliation.
Inscrire à l’ordre du jour l’impunité économique devrait au contraire plaire à certains milliardaires togolais qui devraient peut-être commencer à collecter les preuves de l’accumulation exponentielle de leur fortune afin d’expliquer, le jour venu, leur capacité à créer aussi vite de la richesse non partagée avec le Peuple togolais quand ce n’est pas sur le dos de ce même Peuple.
Il convient ici de saluer particulièrement le combat tenace, courageux et sans concessions mené par le FRAC et OBUTS sur fond d’interdiction d’existence pure et simple à l’opposition. L’instrumentalisation de la justice n’a pas réussi dans le cas d’OBUTS et les tracasseries administratives ont vite été levées par ceux que le monde entier observe dans leur ruse pour se maintenir au pouvoir contre la volonté du Peuple.
Après huit mois de lutte politique très souvent combinée à des luttes sociales menées par diverses catégories de la population, l’élection présidentielle est reconnue par tout observateur sérieux – togolais ou membre de la communauté internationale – comme un exemple patent d’irrégularités conduisant à un climat de défiance extrême, fondant la crise politique nouvelle au Togo. Cette situation ne permet pas à ce pays de continuer à naviguer sans cap avec une présidence par intermittence durant les quatre ans et trois mois qui nous séparent de la prochaine élection présidentielle.
Les manifestations du début du mois de novembre organisées à Lomé par les mouvements de défense des droits humains, qui ont été suivies par une écrasante majorité de la population, se sont soldées par un bilan lourd, plusieurs blessés graves et des violences et exactions commises sur la population togolaise. Les saisies des motocyclettes et autres outils de travail du Togolais lambda témoigne que les forces de l’ordre antirépublicain s’organisent pour assurer le désordre au Togo.
Il est de plus en plus difficile aujourd’hui pour un quelconque citoyen togolais – quel que soit son appartenance à une organisation politique ou de la société civile – d’exprimer une opinion différente de celle du pouvoir RPT/AGO. Exprimer une vision alternative pour son pays autre que celle du gouvernement discrédité relève de l’affront. Et on parle de refondation ? Aussi, entre Refondation démocratique au Togo ou Refondation de la République, le Peuple togolais doit choisir et faire le bon choix !!! Car derrière tous les concepts promus ici et là, et discrètement soutenus le pouvoir RPT/AGO, dans lesquels le mot démocratie est absent, se cache un système d’aspirateur du RPT qui ne cherche qu’à faire passer la pilule de la contrevérité des urnes. Bref, il est question de faire avaler aux Togolais et Togolaises qu’il ne faut plus remettre en cause la vérité des urnes et accepter comme une fatalité la contrevérité des urnes. Les Togolais et Togolaises doivent réfléchir aux conséquences dans 3, 5, 10 ans de leur décision sur ce point très important. Le Togo doit-il continuer à vivre sur la base de la contre-vérité des urnes ?
3. LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE A HONTE POUR LE TOGO DU RPT/AGO
Même la communauté internationale commence à reconnaitre publiquement que le niveau atteint par la gestion du faux semblant au Togo a dépassé les limites acceptables. Elle a honte des dirigeants togolais notamment ceux du RPT et plus récemment ceux de AGO. Concrètement, les responsables internationaux ne souhaitent plus s’afficher avec des personnalités considérées comme faisant baisser leur crédibilité en matière de démocratie, droits humains et bonne gouvernance. Il n’est pas étonnant que les voyages à l’international se fassent de plus en plus discrètement. A force d’annoncer à l’avance et avec tapage que les représentants du Togo arrivent, les représentants de la communauté internationale bottent en touche et évitent de se faire photographier avec ceux qui défendent la contrevérité des urnes. Bien sûr, pas de photos, pas de publicité sur le site gouvernemental !
Interpellé à l’Assemblée Nationale par un député français de l’opposition, sur la nature des relations politiques entre la France et le Togo, le ministre français des Affaires Etrangères Bernard KOUCHNER, n’a pu faire autrement que reconnaitre cet état de fait, à savoir qu’il y a un problème avec le Togo. Sur les deux sujets abordés par ce représentant de la France lors des questions des membres du groupe socialiste au parlement français, les déclarations du ministre sont en effet sans ambiguïté 1
Sur l’élection présidentielle togolaise du 4 mars 2010 : « Je déplore les exactions qui ont été commises, des opposants arrêtés…, il n’y a pas eu d’exactions commises avec notre consentement, de soutien à aucun des partis qui se présentaient à l’élection présidentielle, il y a eu des opposants qui ont été arrêtés et là-dessus vous avez raison, l’élémentaire des droits togolais n’est pas respecté et en particulier l’article 15 de la constitution… »,
Sur les prisonniers : « il y a des gens qui ne sont pas visités, un rapport d’Amnesty le dit, un rapport de La Ligue Togolaise des Droits de l’Homme le confirme, ceci ne saurait être accepté, notre ambassadeur fait tout pour prendre des nouvelles et surtout pour que le droit soit respecté. Nous veillerons à ce qu’il le soit dans la mesure de nos possibilités dans un pays souverain ».
C’est dire combien la situation a évolué depuis le 4 mars 2010 et surtout comment la communauté internationale a pu évoluer de manière publique et officielle, sur son appréciation de la réalité togolaise. Ce point a conduit à s’interroger publiquement sur la question sans réponse : La France soutiendrait une dictature au Togo ? Le Peuple togolais peut y répondre tout seul.
Il faut néanmoins reconnaître que malgré les progrès de la reconnaissance par la Communauté internationale sur la vérité des faits au Togo, les réactions de cette même communauté internationale ne se traduisent pas encore suffisamment dans les actes. Ce début très encourageant redonne l’espoir à tous les démocrates togolais qui mènent le combat pour la refondation démocratique et offrent des solutions pour une sortie de crise pacifique au Togo.
Les réactions d’une certaine France, adepte d’une rupture avec la Françafrique, que personne ne constate, tend à brouiller les cartes et favorise le jeu de l’aspirateur par lequel le RPT et l’UFC-AGO tentent maintenant d’élargir le cercle des Togolais et Togolaises qui préfèrent se faire aspirer au lieu de continuer la lutte avec les partis de l’alternance.
Encore faut-il que ces partis de l’alternance signent rapidement des accords fondant leur solidarité sur la base d’alliance et de contrats de gouvernance. Car ce n’est pas en rangs dispersés que l’on peut organiser une alternance au Togo où pendant plus de 43 ans, un régime patrimonial a réussi à bloquer toute alternance démocratique.
Acculé à la honte par les diverses manifestations de protestation du Peuple togolais, régulièrement sermonné et de plus en plus interpellé par la communauté internationale, le régime RPT/AGO tente d’organiser une alternance non démocratique et l’appelle la Refondation de la République.
4. PREALABLES AVANT TOUTE TRANSITION SERIEUSE
Le Peuple togolais, qui opte pour la vérité des urnes et des comptes, doit exiger des partis de l’alternance qu’ils se regroupent sur une base démocratique et certifiée par un solidarisme contractuel. Ce regroupement concerté est indispensable avant toute transition démocratique pour le retour de la vérité des urnes.
11 novembre 2010
Coordinateur international provisoireDr Yves Ekoué AMAÏZO | Responsable de la communicationFrançois FABREGAT |
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Notes:
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LCP, Questions au gouvernement français par les parlementaires, 13 octobre 2010, voir :< http://www.lcpan.fr/seance-du-mercredi-13-octobre-2010-07026.html> et sur CVU-TOGO-DIASPORA, « La France soutiendrait une dictature au Togo ? » voir < https://cvu-togo-diaspora.org/2010/10/15/la-france-soutiendrait-une-dictature-au-togo/2890> ↩