Le Togo a vécu ces dernières semaines des événements qui ont remis en lumière le débat sur la place et le rôle des militaires et des forces de l’ordre en général au sein d’une nation. Le problème du Togo est que l’absence de séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire a son corollaire au niveau de l’armée. Il y a, en principe, fusion totale entre le Président de la République et le Chef des Armées. Ce partenariat n’est pas aussi fusionnel que cela pourrait y paraître, puisque certains militaires et autres forces de sécurité jouissent d’avantages considérables y compris celui de l’impunité totale. Ceci leur permet de faire du zèle afin de préserver non pas le Togo, mais leurs intérêts personnels que garantit le régime actuel contre un maintien indéterminé au pouvoir.
Ce jeu de vases communicants favorise le non-respect de l’Etat de droit. L’impunité à haute dose finit par ouvrir le champ à un système où les dirigeants civils y compris le Chef de l’Etat se retrouvent pris en otage, dans un système où ce dernier est tenu de couvrir les exactions antirépublicaines de certains militaires antirépublicains, contre les forces qui luttent pour la démocratie et le retour de la confiance entre le peuple et les dirigeants légitimes.
1. FORCES DE SECURITE ANTI-REPUBLICAINES : NEUTRALISER LA DEMOCRATIE AU TOGO ?
Dans un pays où la séparation des pouvoirs est fonction du respect effectif de l’Etat de droit et la démocratie repose sur la vérité des urnes, les forces de sécurité émargeant sur le budget de l’Etat sont, en principe, des atouts pour l’ensemble de la population.
Ce n’est malheureusement pas le cas du Togo où la démocratie palliative est érigée en valeur cardinale et l’impunité sert de fondement au système judiciaire. Dans un tel contexte, il n’est plus possible de faire l’amalgame entre l’ensemble des forces de sécurité, que ce soit la police, les gendarmes ou les militaires quelque soient leurs grades. Du coup, ce ne sont pas toutes les forces chargées du maintien de l’ordre qui assurent réellement le maintien de la paix civile et la sécurité de leurs compatriotes, puisqu’il est supposé que les forces armées togolaises sont composées uniquement de ressortissants togolais. Il est arrivé dans l’histoire mouvementée du Togo, et plus particulièrement à l’approche des élections présidentielles que des éléments venus d’ailleurs soient intégrés aux troupes locales. La protection du citoyen dépend alors des instructions reçues des supérieurs hiérarchiques. Mais là encore, des groupuscules devenus autonomes avec le temps et faisant reposer leur puissance sur un soutien clanique ou fondé sur l’argent du pouvoir en place, deviennent des éléments incontrôlables et peuvent alors conduire à faire de l’autorité civile, une structure qui se retrouve prise en otage par des groupes de militaires non-républicains.
Ainsi au Togo, il existe des militaires républicains et d’autres qui sont antirépublicains. Les seconds semblent donc bénéficier d’avantages prépondérants, créant d’ailleurs une grande injustice au sein de l’armée togolaise avec des politiques de promotion considérées comme arbitraires. Mais lorsque ces mêmes militaires antirépublicains, agissant avec ou sans ordre hiérarchique, décident parfois d’empêcher des représentants du peuple de s’exprimer, ou brisent des manifestations pacifiques, on comprend que rétablir l’ordre au Togo n’est pas différent de « neutraliser » tout ce qui pourrait gêner le pouvoir en place et bien sûr les avantages acquis des militaires antirépublicains. Le problème est que la conception qu’ils ont de la démocratie au Togo est équivalente à celle des services spéciaux dans une dictature obscure. Il faut « neutraliser la démocratie » et donc tous les contre-pouvoirs auxquels ils peuvent avoir accès. En fait, il s’agit d’intimider, de kidnapper, de frapper et brutaliser les populations et leurs représentants, de blesser des journalistes à coups de couteaux après avoir cassé leur outil de travail, tout en brouillant les pistes afin d’éviter de répondre à terme au Togo de leurs actions, devant un Tribunal spécial des Nations Unies pour le Togo.
2. LES MILITAIRES : DES CITOYENS ENTIEREMENT A PART ?
Dans toutes les démocraties où la vérité des urnes n’a pas été falsifiée ou inversée, les militaires, membres des grands corps d’Etat, sont des citoyens à part entière. C’est aussi le cas au Togo ! Sauf -ce qui pourrait apparaitre paradoxal à certains – pour une partie des militaires qui contribuent à retarder l’avènement d’une démocratie effective, qui fait de ces militaires des citoyens entièrement à part et ne répondant qu’à des ordres en provenance d’un groupe civilo-militaire. Ces derniers ont compris qu’il n’y a plus besoin de s’exposer pour bien vivre sur le dos des Togolaises et Togolais. Ils ont choisi de neutraliser l’avènement de la démocratie, en la remplaçant suite à des pressions molles de la communauté internationale, par une démocratie palliative reposant sur l’impunité.
Ce principe de gouvernance qui garantit les biens mal acquis a besoin d’être protégé. Le clanisme, le clientélisme, l’intimidation, la distribution d’argent, de faveurs et de biens divers, les alliances familiales, les cultes ésotériques d’allégeance et bien d’autres techniques permettent de faire d’un groupe de militaires, l’instrument privilégié de conservation d’un pouvoir ad aeternam, ceci avec la complicité de nombres de dirigeants de partis politiques togolais qui se disent de l’opposition modérée et se retrouvent à encaisser des chèques qui les rendent muets au moment où les droits humains, la vérité des urnes, celle des comptes publics, sont bafoués au Togo. Aussi, il importe de rappeler les pratiques togolaises au moment des votes.
Lors de la dernière élection présidentielle du 4 mars 2010, les militaires et agents des forces de sécurité ont été appelés à voter par anticipation le 1er mars, trois jours avant la tenue du scrutin. Le déroulement des opérations électorales ce jour-là a donné lieu à de nombreuses contestations relativement à l’organisation des opérations de vote. De nombreux observateurs ont émis de sérieux doutes : «Ces militaires sont inscrits sur les listes générales et non sur des documents spécifiques. Combien sont-ils à voter réellement dans les casernes? Personne ne le sait exactement, alors que leurs voix seront comptabilisées, en même temps que celles des autres citoyens». Il ne faut donc pas croire que cette pratique consistant à faire voter certaines catégories avant les autres, est un processus démocratique brillant par sa transparence. Au contraire, c’est l’occasion de préparer des urnes préalablement remplies. Aussi, certains observateurs ont constaté que cette pratique ne peut cacher le fait que « le régime en place profite de ce tremplin pour bourrer les urnes… 1 ».
Par ailleurs, les militaires ont voté comme les autres citoyens du Togo, mais il n’est pas sûr que les résultats de leur vote aient reflété la réalité, à l’instar de ce qui s’est passé dans les 5930 bureaux de vote du Togo, malgré la présence de près : « de 3 000 observateurs nationaux, auxquels s’ajoutent entre 300 et 500 observateurs internationaux, parmi lesquels 146 officiers de gendarmerie et de police de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) mobilisés pour superviser spécialement la sécurisation du vote 2 ». De plus, on dénombrait : « 120 à 130 observateurs électoraux de l’UE pour bien montrer « l’investissement d’ampleur de l’UE dans le cadre de l’élection présidentielle 3 ».
Les autres forces de la sécurité blanche, composés effectivement de blancs, ne sont que des minorités invisibles puisqu’elles sont occupées, dans le cadre d’une assistance technique couverte par le secret défense, à offrir des services logistiques fondés sur l’information provenant des satellites et permettant de cerner rapidement les mouvements de contestation et donc de les réprimer plus facilement. Certains confondant le Togo de 2010 avec le Togo d’avant 1960 ont été filmés par les journalistes togolais en pleine journée de manifestation… La France a choisi de sanctionner. Mais les formes militaires antirépublicaines persistent toujours. Certains ont opté pour la radicalité : brutaliser et détruire les outils de travail (cameras et autres appareils) mais aussi les sévices en perçant avec un couteau les mains d’un journaliste. Ces pratiques couvertes par le contrat d’impunité entre le pouvoir de Faure GNASSINGBE et les militaires dont il est le chef suprême visible – car il existe des chefs invisibles – sont en augmentation exponentielle au Togo au cours des dernières semaines. Ces militaires sont effectivement des militaires entièrement à part.
3. POURTANT, LES MILITAIRES SONT MIS A PART POUR LES ELECTIONS
Un nombre important des forces de sécurité, notamment les militaires, doivent aujourd’hui être considérés comme étant dans le camp des citoyens républicains. Ils aspirent à la mise en œuvre rapide de la refondation démocratique du Togo. Le pouvoir togolais actuel, du fait de son manque de légitimité hérité des résultats d’élections présidentielles usurpées a tout intérêt à ce que cette fracture n’apparaisse pas au grand jour. La vérité des urnes pourrait changer l’avenir du Togo.
Avec ou sans vote anticipé, il convient de rappeler qu’une unité spéciale composée de plus de 6 000 agents, gendarmes et policiers, la fameuse Force Sécurité Elections Présidentielles 2010 (FOSEP) avait pour mission de : « garantir d’une part la sécurité avant, pendant et après l’élection et de préserver, un climat de paix et de sérénité sur l’ensemble du territoire national 4 ».
Avec 5 930 bureaux de vote, le Togo s’est retrouvé de fait au moins un agent par bureau de vote !
Il serait donc bienvenu que cette mesure de vote anticipé des militaires ne soit plus reconduite dans l’état, lors des scrutins à venir puisque ce processus est systématiquement entaché d’irrégularités flagrantes au profit du pouvoir en place. Il apparaît que le pouvoir RPT/AGO s’apprête à organiser en 2011 les prochaines élections locales sans modifier le découpage électoral profitant unilatéralement à ceux qui sont au pouvoir. Gilchrist OLYMPIO, dans ses nouvelles fonctions, après avoir décrié un tel système vient de l’avaliser en ne proposant aucune modification notable des tracés électoraux des communes et préfectures. Cela présage-t-il d’une coalition RPT/AGO ? En annonçant par avance son intention de maintenir la structure de la CENI telle quelle découle des discussions de Ouagadougou, à savoir en excluant délibérément la majorité des partis politiques qui ont pris part à l’élection présidentielle de 2010, Gilchrist OLYMPIO et les membres de son bureau optent non pas pour la démocratie et l’égalité des citoyens devant la loi, mais bien pour la perpétuation d’une discrimination négative.
4. UN CLIVAGE SOCIAL REPRODUIT : L’ARMEE ENTRE RICHE ET PAUVRE
Le CVU qui travaille inlassablement pour la vérité des urnes et des comptes constate que les mêmes clivages sociaux existant au sein de la société togolaise sont reproduits au sein des formes armées togolaises, voire des corps dits « habillés ». Il s’agit du militaire pauvre. Une très grande majorité des militaires et autres assimilés dans la police, la gendarmerie et la douane est constituée par les hommes du rang et quelques sous-officiers, et rencontre les mêmes problèmes de pouvoir d’achat que leurs concitoyens de la société civile.
Ainsi les militaires et représentants des forces de l’ordre en général sont une partie intégrante de la société togolaise, et à ce titre ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les citoyens « ordinaires ». Pourtant, nombreux sont-ils à subir, au même titre que la très grande majorité du peuple togolais, toutes les nuisances et injustices d’une démocratie palliative et d’une gouvernance qui ne produit pas de richesse partagée. Aussi, l’armée républicaine en réalité ne travaille pas pour garantir la satisfaction des besoins élémentaires des populations comme chacun peut le constater en comparant le niveau déplorable du pouvoir d’achat, de santé publique, de l’éducation, etc. au Togo
Cela se traduit dans les faits par des salaires indécents, des retards de paiement et des arriérés de salaires non-perçus. Et quand certains d’entre eux malgré leurs maigres émoluments arrivent à épargner un peu, leur épargne disparait au gré d’une gestion non transparente de certaines sociétés avec la complaisance de l’Etat togolais. C’est ainsi que la gestion peu orthodoxe de certaines sociétés, en matière de gestion de l’épargne de certains citoyens togolais, est à mettre en liaison avec l’interventionnisme unilatéral de l’Etat apparemment tout aussi peu orthodoxe dans le règlement de ce qu’il faut bien appeler l’affaire ReDeMaRe. Une affaire dans laquelle l’Etat refuse pour le moment de laisser un procès se dérouler, afin que les nombreuses zones d’ombre relatives aux responsabilités partagées, les complicités non révélées et surtout les liaisons hors Togo, sans parler de la spoliation des petits épargnants, dont de nombreux militaires de rang inférieur, ne soient révélés au grand jour. Le système du RPT/AGO abuse de l’interventionnisme étatique pour promouvoir les « angles morts » de la vérité des comptes publico-privés au Togo. La vérité que le Gouvernement doit aux épargnants est unilatéralement transformée en un interventionnisme dit de protection, sans d’ailleurs que les raisons de ce fait du Prince ne soient clairement identifiées et prouvées. La société ReDeMaRe a été fermée sur la base de présomptions, et son principal dirigeant enfermé plus pour qu’il ne parle pas que pour protéger les épargnants, à qui l’on explique qu’ils doivent se contenter des reliquats trouvés dans les comptes, favorisant ainsi ceux qui ont emprunté et ne rembourseront jamais.
5. ReDeMaRe : ENRICHIR LA MASSE SANS RESSOURCES ?
Cette nouvelle affaire, met en lumière certaines mœurs particulières dans le domaine de l’argent facile et vite gagné. Après avoir démarré en fanfare son activité en 2009, en faisant la promotion d’une rentabilité extraordinaire eu égard à l’épargne déposée, souvent en espèces, par les adhérents, la société ReDeMaRe (Réseau pour le Développement des Masses sans Ressources) semble avoir pendant de nombreux mois honoré l’engagement annoncé par son en-tête commerciale, en transformant progressivement ses adhérents, principalement des Citoyens sans Ressources dont de nombreux militaires, en des adeptes d’une nouvelle forme de la spéculation. Plus de 10,976 milliards de FCFA ont été distribués depuis la création de cette structure 5.
Ainsi, selon les faits rapportés par de nombreux organes de presse, après avoir collecté et encaissé en un temps record 18,658 milliards de FCFA, auprès de 44.809 personnes dont 1.489 sociétés (personnes morales), ReDeMaRe aurait redistribué officiellement près de 10,976 milliards de FCFA avant sa fermeture début juillet dernier 6.
Au moment où le Conseil des ministres a pris la décision de suspendre l’activité de la Société, le ministre de l’Economie et des Finances, Adji Otèth AYASSOR avançait qu’il y avait encore en caisse 5 milliards de FCFA 7, ce que le Comité spécial mis en place par le Gouvernement a précisé en rappelant qu’il s’agit de 4,848 milliards 8.
En fait, le véritable motif de la suspension de ReDeMaRe d’après le Gouvernement togolais ne repose sur aucune preuve. En effet, la décision unilatérale d’interventionnisme du Gouvernement et de la mises en détention du Directeur général, tient dans l’argumentation suivante du ministre de la justice, Kokou TOZOUN, lors de l’annonce du retrait définitif de l’autorisation d’installation et d’exploitation qui avait été délivré au groupement financer ReDeMaRe (décision N° 25/ MCPSP/ DCIS du ministre du Commerce et de la Promotion du commerce et du Secteur privé): « L’Etat a pour rôle de protéger les citoyens, parfois même, en cas de force majeure contre leur volonté. C’est ça, la mission régalienne assignée à toute république responsable 9». Le seul argument invoqué par le comité ministériel gouvernemental mais non assorti de preuves repose sur des « fortes suspicions d’arnaque pyramidale 10 ».
Peut-on réellement enrichir la masse au Togo, dont de nombreux petits militaires, sans que la formule n’ait été utilisée, contrôlée par des instances de contrôle du système financier togolais, de la Banque centrale de la sous-région, et soit en conformité avec les pratiques internationales ?
6. ReDeMaRe FERME SANS PREUVES, PRESOMPTION D’INNOCENCE BAFOUEE
Le CVU constate qu’au Togo, il suffit qu’il y ait de fortes présomptions de la part du gouvernement togolais pour qu’il décide unilatéralement de mettre un directeur de société en prison, suspendre, puis clôturer les activités d’une société en retirant l’autorisation d’exercer. Le Gouvernement est donc juge et parti dans cette histoire, ce qui va à l’encontre des règles les plus élémentaires du droit. Il s’agit d’une affaire entre l’Etat et une société privée et à ce titre les juridictions commerciales doivent être saisies, s’il le faut en référé. Il y a donc vice de procédure de la part de l’Etat. Mais plus grave, s’il est vrai, d’après le Gouvernement, que le Directeur général a « siphonné près de 14 milliards de FCFA 11 », alors où est la présomption d’innocence ? Où est le droit de la partie adverse qui devait autoriser un droit de réponse de s’engager ? Pourquoi la justice n’a pas été saisie normalement et que le procès soit public, permettant aux 43.320 personnes physiques adhérentes et aux représentants des 1.389 sociétés morales de se faire représenter et de se porter « partie civile » dans cette affaire. Le gouvernement togolais ne ferait-il plus confiance au système judiciaire togolais dès lors que les petits militaires sont massivement impliqués, à leurs dépens, dans cette affaire ?
Le débat sur la « technique nouvelle de placement », « inspirée d’une méthode canadienne, française et indienne » qui aurait permis à ReDeMaRe d’avoir une rentabilité plus que confortable depuis plusieurs mois et de distribuer de confortables surplus sur dépôts aux adhérents aurait-elle rencontré des défaillances ? Si oui, il serait intéressant de faire partager l’information sur les erreurs commises, aux populations togolaises et aux adhérents car il s’agit tout simplement de la vérité des comptes. La force majeure invoquée par le ministre de la justice relève plus de la décision unilatérale et doit pouvoir se défendre devant les tribunaux togolais si le Gouvernement est dans son bon droit. Il y a donc de fortes suspicions sur les motivations réelles de révélations de participations croisées impliquant des opérations illicites, des blanchiments d’argent, des interférences avec des opérations transitant par Niamtougou, où des personnalités de premier plan pourraient avoir des difficultés à s’exprimer devant les juges togolais républicains. Alors, il est facile d’accuser le Directeur général, qui demeure dans le droit togolais, non pas un accusé mais un innocent potentiel à qui l’on a unilatéralement supprimé le droit de s’exprimer, et indirectement le droit de se défendre et de dire la vérité.
Car il n’y a qu’au Togo, que la responsabilité d’une « arnaque pyramidale » doive reposer sur une seule personne. Mais si le CVU devait appliquer cette appréciation à Faure GNASSINGBE, en référence à la gestion des 5 dernières années à la tête du Togo, il n’est pas impossible que le CVU demande aux militaires et à la justice d’appliquer les mêmes méthodes qui ont été appliqués au Directeur général de ReDeMaRe, c’est-à-dire constater qu’il y a eu une arnaque pyramidale du Peuple togolais depuis 5 ans et plus particulièrement au cours des 5 derniers mois, rien qu’à la lecture des dépenses improductives effectuées et que le sort réservé au DG de ReDeMaRe soit appliqué à l’identique, dans toute sa rigueur.
7. ReDeMaRe NE DEMARRE PLUS : LE GOUVERNEMENT EST JUGE ET PARTIE
Mais plus inquiétantes pour les épargnants de ReDeMaRe, sont les remarques portées par la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) qui met en cause la politique du Comité de suivi qui tient à vouloir régler le cas ReDeMaRe, en dehors « du cadre légal ou dans un souci de règlement transactionnel sans associer les responsables de ReDeMaRe, ou du moins leurs conseils 12».
On peut enfin se demander pourquoi dans cette affaire ce n’est pas tout simplement la justice qui procède aux investigations d’usage et fixe les règles d’indemnisation, comme le prévoit le droit togolais, en lieu et place d’un Comité intersectoriel gouvernemental chargé du règlement de l’affaire et dépendant directement de l’exécutif. Etre juge et partie va à l’encontre du principe de la séparation des pouvoirs. Qui fixe – et défait donc en l’occurrence pour l’instant – les règles du jeu et les modalités d’existence ou pas, de fonctionnement ou pas, de remboursement ou pas de ReDeMaRe ? Ceux-là même, qui ont mis en prison unilatéralement des citoyens togolais se battant pour la démocratie au Togo. Ceux-là même, qui considèrent que le Togo est un Etat patrimonial dans lequel les règles n’engagent que ceux qui y croient et jamais ceux qui les ont fixées…
Bref, le Togo fonctionne sur la base d’un système hors-la-loi digne des « western racistes envers les indiens d’Amérique » sauf qu’au Togo, on utilise les militaires pour imposer l’ordre, puis de manière unilatérale, on réutilise les mêmes militaires pour organiser le désordre sans passer cette fois-ci par les juges. ReDeMaRe est un bel exemple, grandeur nature, de la « cohérence » des arbitrages gouvernementaux et de la gestion de la chose publique. Ce système combinant l’ordre et le désordre, institutionnalisé par Faure Gnassingbé et son réseau clientéliste, pourrait-il continuer indéfiniment si certains militaires non républicains n’étaient pas complices, parfois grand zélés devant l’Eternel ? Et pourquoi le silence est roi au Togo ? Est-ce parce que ceux qui pourraient parler sont allés à ce que les populations appellent communément la « soupe » ? Manger n’empêche pas de dire la vérité, surtout lorsque ce ne sont pas les bons morceaux de viande qui sont servis aux militaires de second rang !
C’est donc bien cette absence de transparence dans les explications fournies par le Gouvernement qui laisse un goût amer de justice bafouée. Les petits épargnants de ReDeMaRe devraient s’interroger sur les vraies responsabilités, en s’organisant en association pour défendre leurs droits spoliés, en exigeant un procès en bonne et due forme au Togo sur ce dossier. Le juge administratif devrait se déclarer compétent à moins qu’il ou elle ne reçoive l’ordre de rejeter ce dossier. Face à une telle gestion non transparente de la spoliation de petits épargnants, le Gouvernement devrait s’engager à payer en totalité toutes les personnes physiques et plus particulièrement tous ceux qui gagnent moins de 100 000 FCFA par mois. Les sociétés morales devraient passer en priorité seconde, sinon la décision de l’Etat togolais a simplement consisté à favoriser les sociétés morales aux dépens de personnes physiques. Il y a donc là aussi une inégalité entre les citoyens devant la loi togolaise.
C’est peut-être à cause de ce flou que des milliers d’épargnants de ReDeMaRe ont investi dans le désordre lundi 13 septembre, le ministère de la Fonction publique et de l’ancien ministère de la Justice où sont affichés les noms de ceux qui peuvent encore prétendre à un remboursement d’un reliquat unilatéralement décidé par l’Etat, selon une « clé de répartition » soigneusement concoctée par l’Etat devenu agent discriminateur entre ses amis et les autres. Le collectif des avocats togolais devrait se réveiller pour prendre la défense de tous les Togolais et Togolaises spoliées dans cette affaire, afin que toute la lumière soit faite et que les responsabilités soient clarifiées. L’impunité de façade, qui repose ici sur le rôle de « bouc-émissaire » du Directeur général de la société ReDeMaRe, empêché de s’exprimer et de se défendre, doit graduellement prendre fin, si le Togo veut faire partie des pays où l’environnement légal et institutionnel est prévisible et transparent… Ce n’est pas demain que les coqs verront des dents pousser…
8. LES MILITAIRES SONT DES CITOYENS A PART ENTIERE : UN NOUVEAU STATUT POUR LES FAT !
Les militaires sont des citoyens à part entière. Mais sous le régime RPT/AGO, ils vivent entièrement à part. Bloqués par l’obligation de respecter la hiérarchie, le devoir et les valeurs militaires, ils sont pris dans un piège où pour respecter les valeurs républicaines, ils doivent nécessairement remettre en cause certaines décisions hiérarchiques qui vont à l’encontre de l’intérêt de la population, qui n’est rien d’autre que leur propre famille. Pour régler cette contradiction, le statut des corps habillés, celui plus particulier de Forces armées togolaises doivent être définis sur des bases où le militaire togolais peut s’engager librement, quitter puis revenir dans l’armée tout en servant de temps à autre dans la vie civile. Cette innovation importante pourrait d’ailleurs permettre de trouver une solution à la création de richesses au Togo, si elle s’accompagne au préalable de formation et d’acquisition de connaissances au service des populations, y compris la mise en œuvre du respect des droits humains et de l’éthique. Les secteurs des infrastructures, de la logistique, du transport, mais aussi de l’irrigation, du drainage, de l’assainissement des sols pour les affecter à l’agriculture, voire le secteur de la construction, sont par définition des secteurs où le militaire togolais peut rapidement avoir un avantage compétitif et retrouver la confiance entre son corps d’origine et les populations.
En fait c’est aujourd’hui la loi portant statut général des personnels militaires des FAT, la mise en place du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire, le renforcement des effectifs des FAT, la création du Centre d’Entraînement aux Opérations de Maintien de la Paix (CEOMP), adoptée en mars 2007, qui régit le fonctionnement de l’institution militaire, alors que celle-ci était encore régie par une loi du 17 juillet 1963 qui était depuis bien longtemps obsolète.
Si le nouveau statut qui ouvre et promeut la carrière militaire des femmes souligne que : « les Forces Armées Togolaises sont nationales, républicaines et apolitiques. Elles ont pour mission de préparer et d’assurer la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation et son entièrement soumises à l’autorité politique constitutionnelle régulièrement établie », cette simple affirmation n’est pas suffisante pour assurer une véritable indépendance de ce grand corps de la nation. Il faut la compléter avec la nécessité d’assurer un pouvoir d’achat décent au militaire, comme au gendarme et au policier ou au douanier, sans que ces derniers décident unilatéralement en usant de la force que leur confère la République, de se servir eux-mêmes, pénétrant alors la sphère nébuleuse et hors-la-loi de la corruption.
Un nouveau statut amélioré et adapté aux exigences d’un Etat de droit véritable, devrait empêcher le caractère parfois brutal et anticonstitutionnel des interventions de certaines unités des forces de l’ordre, trop souvent à l’origine du désordre au sein de la société plus particulièrement lors des marches et veillées pacifiques. Le Togo bénéficiait d’une période de paix civile que ceux qui ont introduit la contre-vérité des urnes viennent de déstabiliser. Pour retrouver la paix, il faut donc retrouver la légitimité de la vérité des urnes.
Par ailleurs et sur un autre plan, la critique que le CVU a régulièrement reçu des militaires de rang inférieur, réside dans leur humiliation publique quand ils ou elles sont affectés à des tâches subalternes qui ne correspondent pas à leurs termes de référence. En effet, un nombre important d’hommes ou de femmes dans les hiérarchies inférieures de l’armée sont souvent employés à des fonctions domestiques tant pour des officiers supérieurs que pour les femmes, « deuxième bureau », voire des parents éloignés de ces derniers. Ceci n’a rien à voir avec le maintien de l’ordre et de la paix civile, surtout que les conditions frisent parfois l’esclavage 13. En cas de refus de la part du militaire de rang inférieur, ce sont des brimades, intimidations, punitions, humiliations sans oublier les promotions voire les retraits de grade…
Bref, des roitelets existent dans l’armée togolaise. A tel point que même des militaires blancs de passage se mettent à apprécier cette pratique, au point de la tester en grandeur nature lors d’une manifestation des partis de l’opposition. Heureusement que le courage des journalistes togolais a permis d’immortaliser la séquence sinon les révisionnistes de tous genres viendraient nier ces pratiques au Togo 14.
9. DESOBEISSANCE CIVILE OU DESOBEISSANCE MILITAIRE : QUE FAIRE ?
La question essentielle reste bien celle de la citoyenneté ! Et la citoyenneté au Togo se divise en deux catégories, celle de l’infime minorité constituant l’oligarchie régnante et son clan affilié, détenant le pouvoir politique et économique et la quasi-totalité de la richesse nationale et celle de l’immense majorité de la population qui vit en-dessous du seuil de pauvreté. Une partie des militaires togolais ne dérogent pas à cette clé de répartition sauf qu’ils sont utilisés pour maintenir un tel système qui les appauvrit dans leur grande majorité, quand il ne s’agit pas d’humiliations et autres brimades de bas niveau.
Le CVU rappelle que le 19 mai 2010, dans ses vingt-deux propositions 15 pour refonder la démocratie au Togo, il proposait ceci au chapitre sur la « Refondation de l’Armée républicaine » : « L’objectif est ici de créer un élan de confiance entre l’Armée, les forces chargées de la sécurité publique et le Peuple. Des activités de soutien au service des populations, dans le domaine de l’infrastructure, de la logistique, de l’accès à l’eau et de la construction à partir des matériaux locaux, seront rapidement confiées aux Forces Armées Togolaises (FAT) sur une base de volontariat. Une partie de l’armée sera amenée à se recycler dans l’entrepreneuriat afin de réduire sa charge dans le budget de l’Etat ».
Ces propositions restent toujours d’actualité et impliquent bien la rédaction d’un nouveau statut qui garantisse la neutralité de l’institution militaire, afin de lui permettre une véritable réconciliation avec la nation togolaise tout entière.
Le 5 septembre 2010 à Kigali, lors de l’investiture du Président rwandais, et bien avant que Faure GNASSINGBE n’ait quitté précipitamment la cérémonie à cause d’une rumeur de problèmes au sein de l’Armée togolaise, en laissant sa délégation revenir avec l’avion du Président béninois Yayi BONI, le Président Paul KAGAME rappelait à tous les chefs d’Etat invités des principes élémentaires d’appropriation de sa souveraineté : « Nous ne pouvons plus nous en remettre à la bonne volonté d’autres nations. Nous devons assumer notre rôle de dirigeants, prendre pleine possession de la question du développement de nos pays, et faire ce que nos citoyens attendent de nous ».
Il ne faut donc pas supprimer les militaires dans la société togolaise, il suffit que ces militaires puissent répondre à la seule question qui fera d’eux les héros du Togo :
- Est ce que les militaires togolais font ce que les citoyens togolais attendent d’eux ?
- Est-ce en conformité avec la vérité des urnes ?
La même question peut-être posée aux dirigeants des partis politiques, plus particulièrement à Faure GNASSINGBE. La réponse à ces questions pourrait déterminer si l’avenir du Togo sera pacifique, décrispé, libre et paisible ou alors si le cycle infernal de contestation de la vérité des urnes pourrait reprendre. Les militaires républicains seront alors peut-être contraints, en âme et conscience et devant Dieu, à comprendre que la désobéissance civile est aussi prévue dans la Constitution togolaise lorsque l’avenir du pays et les valeurs fondamentales choisies par le Peuple togolais sont bafouées par un petit nombre. Cela ne peut plus se faire avec le concours de certains militaires antirépublicains.
Coordinateur international provisoireDr Yves Ekoué AMAÏZO | Responsable de la communicationFrançois FABREGAT |
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Notes:
- FASOZINE, « Présidentielle togolaise: déjà des plaintes! », in Fasozine.com, 1er mars 2010, voir <http://www.fasozine.com/index.php/societe/societe/2582-presidentielle-togolaise-deja-des-plaintes> accédé le 20 septembre2010. ↩
- RFI, « Election présidentielle au Togo : tous les candidats ont voté », in RFI.fr, 04 mars 2010, voir <http://www.rfi.fr/contenu/20100304-election-presidentielle-tous-candidats-ont-vote>, accédé le 20 septembre 2010. ↩
- SURVIE, « Togo : Présidentielle : un œil sur la France », in Survie, xxx 28 février 2010 ↩
- Site de la Présidence Togo, « Nomination du commandement de la FOSEP 2010 », in Présidence Togo online, voir <http://www.presidencetogo.com/index.php?option=com_content&task=view&id=961&Itemid=51>, accédé le 20 septembre 2010. ↩
- TOGO RENAISSANCE, « Togo ReDeMaRe : environ 10,976 milliards distribués », 11 septembre 2010, voir <http://www.togorenaissance.org/?p=1885>, accédé le 20 septembre 2010. ↩
- Site officiel du Gouvernement togolais, “Conseil des ministres”, in republicoftogo, 9 juillet 2010, voir < http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Conseil-des-ministres/Suspension-des-activites-du-reseau-REDEMARE> accédé le 20 septembre 2010. ↩
- Site officiel du Gouvernement togolais, « ReDeMaRe a siphonne les caisses », in republicoftogo, 03 septembre 2010, voir < http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Finances/Redemarre-a-siphonne-les-caisses>, accédé le 20 septembre 2010 ↩
- Site officiel du Gouvernement togolais, « Les milliards envolés de Redémarre », 18 septembre 2010, voir :< http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Finances/Les-milliards-envoles-de-Redemarre> accédé le 20 septembre 2010. ↩
- Site officiel du Gouvernement togolais, op. cit. ↩
- Ibid. ↩
- Ibid. ↩
- ICI Lomé, « ReDeMaRe : La ligue togolaise se retire du Comité de gestion mis en place par le gouvernement », 7 septembre 2010, voir <http://www.icilome.com/nouvelles/news.asp?id=19&idnews=16145>, accédé le 21 septembre 2010 ↩
- ICI Lomé, « FAT: Pour avoir volé du riz, deux militaires écopent des mises à pied », in ICI Lomé, 19 novembre 2009 voir <http://www.icilome.com/nouvelles/news.asp?id=17&idnews=13514>, accédé le 20 septembre 2010 ↩
- Sabine CESSOUR, « Sanction pour l’officier français au Togo », voir https://cvu-togo-diaspora.org/2010/08/15/sanction-pour-lofficier-francais-au-togo-2/2295 , accédé le 20 septembre 2010 et Anne Laurence GOLLION, « La Défense désavoue un militaire ayant menacé un journaliste togolais », voir < https://cvu-togo-diaspora.org/2010/08/12/la-defense-desavoue-un-militaire-ayant-menace-un-journaliste-togolais/2257> accédé le 20 septembre 2010. ↩
- CVU, « Le CVU propose une Charte en 22 points pour la refondation de la République », voir < https://cvu-togo-diaspora.org/2010/05/21/le-cvu-propose-une-charte-en-22-points-pour-la-refondation-de-la-republique/1188 > accédé le 20 septembre 2010. ↩