Libye, Italie, Afrique du Sud, Botswana, France, Ouganda, Congo Brazzaville, Gabon, Tchad, Chine, etc. Faure Gnassingbé aura tellement voyagé pendant les mois de juillet et d’août qu’il est difficile d’avoir une idée précise sur le nombre de ses sorties. Pendant ces deux mois, le leader nouveau à l’esprit plus qu’ancien n’a pas passé 5 jours consécutifs sur le territoire national. Qu’est ce qui fait courir Faure Gnassingbé? Que cherche t-il tant dans les airs qu’il n’a pas sur terre? Que rapportent exactement ces nombreux voyages à l’Etat togolais? Ce sont autant de questions que le Togolais lambda se pose. Mais l’autre préoccupation qui revient ces derniers jours est le coût réel de ces voyages. Retour sur une vie princière et sultanesque qui vide le pays de ses maigres ressources.
Délégation et composition
Généralement, lorsque Faure Gnassingbé est en voyage officiel hors de l’Afrique, il est accompagné au minimum de 25 personnes. Ce chiffre varie selon les destinations et les motifs de voyage. Pour le dernier voyage en Chine où le Togo était à l’honneur à l’exposition universelle de Shanghai, la délégation comprenait au moins 45 personnes. Ainsi pour ses déplacements, le président dispose d’une suite privée comprenant son médecin personnel, un standardiste, l’aide de camp et son adjoint, un cuisinier, deux serveurs, un chambrier, un majordome et dix membres de sa sécurité rapprochée dont deux précurseurs. La suite officielle est composée de la directrice de cabinet dont la présence est indispensable, des ministres, des amis, certains membres de la famille présidentielle si cela est nécessaire, des «intimes» et des journalistes pour le décor.
Le choix des membres de la suite officielle est un parcours de combattant fait de coups bas et de délation. Mais c’est Faure Gnassingbé qui en dernier ressort tranche. En prévision de son tour du monde, Faure Gnassingbé s’est fait acheter en 2006, un DC8 qu’il peine aujourd’hui à utiliser. En effet, l’acquisition de cet aéronef a été au centre de toutes les magouilles et autres commissions occultes impliquant un ancien directeur de cabinet de la présidence et un toubab, éminence grise du pouvoir. N’ayant pas confiance à cet avion qui tombe régulièrement en panne, Faure Gnassingbé recourt à des locations d’avion pour ses odyssées.
Charles Débbasch spécialiste de la location d’avion
Dans l’entourage immédiat de Faure Gnassingbé, chacun a son espace de business qu’il faut sécuriser. Charles Débbasch, le mercenaire à col blanc, n’est pas que spécialiste du charcutage constitutionnel. Nonobstant sa santé branlante ou son air de sénile, ce juif, mercenaire à col blanc garde toute sa lucidité surtout lorsqu’il s’agit des affaires louches, des montages grotesques et autres coups tordus. C’est à lui que revient le business de la location des avions à chaque voyage de Faure Gnassingbé, moyennant bien sûr ses propres commissions et autres pourcentages. Habituellement, il s’attache les services des avions de marque Falcon de fabrication française ou Bombardier canadien. Le coup de la location se chiffre à environ 200 à 250 millions de Francs CFA pour deux ou trois jours sans compter le kérosène qui est à la charge du Togo. L’équipage est également aux frais du Togo. Une fois arrivé à Lomé, l’équipage est hébergé à l’hôtel Ibis, nourri et entretenu au frais du contribuable togolais. Il arrive parfois qu’on reporte d’un ou de plusieurs jours le voyage officiel. Dans ce cas, le Togo paie des frais supplémentaires de location de l’avion y compris le traitement de l’équipage. Selon un expert en aviation civile que nous avons interrogé, le coup du kérosène d’un avion de type Falcon faisant le trajet Lomé-Niamtougou-Lomé est entre 15 et 20 millions de Francs CFA. On peut facilement à partir de cet indice se faire une idée des fortunes dépensées pour le kérosène lors des multiples voyages présidentiels. Cela devrait avoisiner des chiffres astronomiques. Le comble est que l’avion loué à 200 millions et parfois plus ne prend pas tout le monde. Y ont droit, le prince lui-même, sa suite privée, l’incontournable directrice de cabinet et des amis privilégiés. Le reste de la délégation voyage en vol commerciale occasionnant pour le contribuable des dépenses supplémentaires en achat de billet d’avion.
Des frais de voyage astronomiques
Il est souvent mis à la disposition du voyage présidentiel (hors de l’Afrique) la bagatelle somme de 900 millions à plus d’un milliard de francs CFA pour un séjour de deux à trois jours. Cette faramineuse somme sert à payer toutes les dépenses du voyage. Les suites présidentielles sont consignées entre 350 à 400 000 euros, environ 260 millions de francs CFA. Les dépenses de stationnement de l’avion sont chiffrées entre 10 et 15 000 dollars par jour, selon le pays soit 7 500 000 F CFA. Au menu des séjours, les mets les plus chers au monde arrosés des vins les plus précieux et surtout du champagne le plus rare. Selon un ancien ministre qui avait jusqu’à une récente période, le privilège d’être régulièrement en voyage, les coûts du champagne et autres vins précieux défient le bon sens. Il faut ajouter d’autres dépenses notamment les frais de shopping, les primes de l’équipage, des journalistes qui s’en sortent parfois avec 1500 euros chacun, soit environ 1 million de francs CFA. Lors d’un récent séjour en Europe, des confrères ont séjourné dans des chambres de 500 000 CFA la nuitée et d’autres dans ceux de 800 000 CFA et ceci pendant trois jours.
La mallette est dans les mains d’une protégée de son Altesse, spécialiste des distributions foraines des houes, des brouettes et autres râteaux. Pour la dame à tout faire de Faure Gnassingbé pour reprendre les termes de notre confrère de «Liberté», le développement à la base s’entend de cette manière et ça aussi c’est une prouesse des venus du PNUD, en dehors de la latérite. L’argent est souvent en devise étrangère, des coupures de 500 euros et 100 dollars au point que la mallette peut facilement contenir 1 à 2 milliards de francs CFA. Il se raconte dans le sérail qu’il est facile à celui qui tient la mallette de devenir facilement muti- millionnaire ou milliardaire puisque de retour du voyage, le reliquat de la manne ne retourne plus à l’endroit où il a été prélevé. En effet, lorsque le voyage officiel est parfois écourté, il reste des centaines de millions qui ne font plus le chemin retour.
Ces chiffres dont nous venons de parler concernent un voyage officiel de 25 personnes. Mais dans le cas spécifique de la Chine où ils étaient environ 45 (suite privée, suite officielle, opérateurs économiques, patronat, DG des sociétés d’Etat, responsables de la chambre du commerce, etc) il faut aller chercher autour de 2 milliards de dépenses. Sur le chemin de la Chine, Faure Gnassingbé a marqué un arrêt à Libreville pour les 50 ans de l’indépendance du Gabon, une escale technique à N’Djamena au Tchad, un arrêt à Dubaï avant de mettre le cap sur Shanghai. Le voyage retour sera aussi sinueux que l’aller.
Les dérives du ministère des finances
Les pratiques du ministère des finances sont aux antipodes de l’orthodoxie financière. En effet, il n’existe aucun mystère sur la provenance de ces sommes faramineuses mises à la disposition des voyages officiels à moins qu’elles proviennent d’une pompe à fric. On peut se faire facilement une idée de cette hémorragie financière lorsqu’on dénombre les voyages de Faure Gnassingbé. L’actuel ministre des finances, arrivé après le limogeage du sulfureux Payadowa Boukpessi a été présenté comme un homme rigoureux. Mais la réalité est tout autre. Sur quelle rubrique du budget de l’Etat de telles sommes sont mises de façon à la disposition de la présidence pour les voyages, lorsqu’on sait que dans la loi de finances 2010, il est octroyé à la présidence un budget d’environ 6 milliards et à l’hôtel du président 1 milliard 787 millions 179 mille francs CFA.
Dans notre précédente parution, nous faisions état de ce que les partenaires et surtout l’UE s’inquiétaient de la faible mobilisation des ressources internes auxquelles devraient s’adjoindre les appuis extérieurs. Où vont au juste les recettes de l’Etat? Tous les regards se tournent vers le ministère des finances qui a sous sa responsabilité, l’ensemble des régies financières. Au moment où les partenaires pressent le Togo d’assainir les finances publiques et de faire une lutte implacable contre la corruption, de telles informations sont suffisamment accablantes pour le ministre Ayassor qui, non seulement se rend complice de ces dépenses dispendieuses, mais trouve aussi son compte dans cette hémorragie financière. Des informations font état de ce que dans son village dans les monts Défalé, l’homme serait en train d’ériger un hôtel de plus de 10 étages. On se demande pour quelle clientèle dans ce village est-il en train d’élever cette bâtisse. Même à Lomé, la capitale, à Kpalimé ou à Kara aucun hôtel, à ce jour, n’atteint ce niveau. Il s’est trouvé les moyens alors qu’il n’est pas le ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire de faire le plan directeur de son village et de la ville de Kanté. Il est également accusé de trafic d’influence dans le projet de la voie de contournement des monts Défalé qu’il cherche à dévier de son trajet normal afin qu’elle passe dans son village.
Et pourtant le CHU-Tokoin ne dispose pas de scanner, d’ambulance et de radio
Les milliards qui sont régulièrement engloutis dans les voyages inutiles de Faure Gnassingbé donnent le vertige. Cette manne importante pourrait servir, à reconstruire plusieurs rues délabrées de la capitale. Elle pourrait également servir, pourvu qu’on renonce à deux voyages ; à équiper le CHU –Tokoin d’un scanner, d’une ambulance moderne et d’une radio performante. Aujourd’hui, il est connu de tous que le plus grand centre hospitalier du Togo ne dispose pas de matériels même les plus élémentaires pour soigner les malades. Même pas le moindre sachet de coton, ni la moindre boîte de gants, ou de compresses. Et pourtant, on n’a pas besoin de plus d’un milliard pour acquérir un scanner ou plus de 300 millions pour une radio. Les médecins et le personnel médical continuent de travailler dans des conditions exécrables avec des salaires de misère pendant que de simples cliniques privées ont abandonné depuis années déjà les radios pour se doter de technologies de derrière génération. Quoique réfectionné, le bloque opératoire du CHU-Tokoin est souvent inondé après la moindre pluie. Et dans ce même pays, on s’offre le luxe de mettre à la disposition des voyages présidentiels la somme astronomique de 800 millions à 1 milliard pour un déplacement de deux jours sans compter les frais de location d’avion estimés à 200 millions et plus pour la même période. Ceux qui sont à la tête de ce pays sont-ils conscients qu’ils gèrent une République dont les ressources appartiennent à tous et que dans ce sens, ils doivent œuvrer pour le bonheur et le bien être de tous les citoyens?
Lorsque les sapeurs-pompiers n’ont pas suffisamment de moyens ou presque rien pour venir au secours des citoyens des quartiers inondés, lorsqu’on oblige les Togolais à acheter cher le carburant sous prétexte que l’Etat n’a plus les moyens de la subvention, quand enfin on refuse de revaloriser le salaire des fonctionnaires pour augmenter le pouvoir d’achat des citoyens et qu’on voit la démesure qui caractérise le sommet de l’Etat, on se demande dans quel pays on se trouve.
Les conditions de vie exécrables du Togo et l’état désastreux de notre économie transparaît clairement dans un document de la Banque mondiale intitulé: Togo, Note de politique sur le climat d’investissement – Projet de rapport publié le 7 juin 2010. «Plus de 61% de la population togolaise vit en dessous du seuil de pauvreté. Le pays est classé 159è sur 182 pays pour l’indice de développement humain (Rapport IDH 2009) et 165è sur 183 pays pour les indicateurs (Doing Business). Les données sur la gouvernance montrent que les performances du Togo en matière d’efficacité de gouvernement, de qualité de la règlementation et de lutte contre la corruption restent faibles tant en valeur absolue que par rapport aux pays de référence de la région. La faiblesse de la gouvernance et des capacités administratives est exacerbée par le contrôle étatique sur les hautes sphères de l’économie». Indique le rapport de la Banque mondiale qui poursuit: «Sur les 183 pays couverts par Doing Business, le Togo occupe les rangs les plus défavorables en matière de création d’entreprise (170) ; législation du travail (159); transfert de propriété et fiscalité ( 155); exécution des contrats ( 154) ; octroi de permis de construire (152), et obtention des prêts (150). Les procédures pour obtenir différents permis et autorisations pour les entreprises prennent plus de temps au Togo que dans la quasi-totalité des autres pays de référence». Ce document de la Banque Mondiale souligne la corruption rampante des services publics et surtout de la justice comme un frein à l’investissement et ce malgré les milliards investis par les partenaires pour la reforme du système judiciaire.
L’impact global mitigé de la Zone Franche sur l’économie nationale en termes de la création d’emplois, de la génération des revenus et surtout en termes de pertes de recettes fiscales. Ce rapport recommande une prise de conscience des autorités et un appel à plus d’effort en ces termes: «Des efforts continus et concertés s’imposent pour lever les contraintes transversales décrites ci-dessus qui pèsent sur les entreprises. …… Des actions peuvent être rapidement entreprises: la reforme de l’administration fiscale, l’allègement de la réglementation pesant sur les entreprises, l’augmentation de la concurrence dans les télécommunications et les services internet, et la mise en place de normes de service pour les principaux services publics. ….. Un plan d’action prioritaire, accompagné de résultats mesurables et définis dans le temps, et de responsabilité clairement identifiées pour chacun des départements ministériels et des principaux services publics pourrait être commandé par le gouvernement pour produire des rapports annuels sur ses normes de service»
Somme toute, au regard de l’état désastreux et abimé de notre pays, vu les éléments contenus dans ce rapport de la Banque Mondiale, on peut déduire que le Togo est un pays sous perfusion internationale. La situation d’extrême pauvreté et de misère ambiante des populations, les indices alarmants sur l’économie nationale devraient amener les décideurs et surtout le sommet de l’Etat à gérer avec parcimonie les maigres ressources disponibles et à se mettre résolument au travail dans la rigueur la plus totale pour relever les défis majeurs qui sautent aux yeux de tout le monde. Il suffira de décréter une trêve dans les voyages pour avoir plus de moyens pour équiper nos hôpitaux en radio, scanner, ambulance etc.
Faure Gnassingbé est-il conscient de cette triste réalité? Rien n’est moins sûr puisque c’est le moment qu’il a choisi de multiplier les voyages onéreux qui vident le pays de ses maigres ressources. «Pour réussir à attirer les investisseurs extérieurs sérieux, c’est simple et clair : il n’y a pas besoin d’organiser des voyages officiels et des journées africaines pour cela, car les investisseurs sérieux savent flairer tous seuls et trouver les bonnes places où ils peuvent réaliser de bonnes affaires claires et durables, c’est-à-dire celles qui profitent à tous, dans la transparence et sans les chasses gardées qui démobilisent toutes les bonnes volontés» a dit l’économiste togolais Michel Nadim Khalife dans son livre Comment Rebâtir le Togo dans la Paix des cœurs. Cette affirmation de Khalife a tout son sens lorsqu’on se réfère au dernier voyage en Chine où il a fallu pour l’exposition universelle de Shanghai dont le Togo était à l’honneur déplacer 45 personnes au frais du contribuable togolais. Jusqu’à quand le misérable peuple togolais va continuer par se saigner pour la vie princière et sultanesque au sommet de l’Etat? Depuis son arrivé au pouvoir, l’«esprit nouveau» n’a fait que multiplier des palaces partout au Togo et il n’est pas sur le point d’arrêter. Cacaveli, Agou, Blitta, Défalé, Dapaong, Lomé II en plein chantier, que fait-il avec tout ça au moment où les populations peinent à survivre? Même les Princes arabes ne versent pas dans une telle démesure encore que dans ces pays le niveau de vie des populations est nettement meilleur.
Pour en venir aux nombreux voyages de Faure Gnassingbé, point n’est besoin de rappeler qu’ils paralysent le pays. Selon des indiscrétions, cela fait plus d’un mois que la présidence de la République fonctionne au ralenti. Les dossiers envoyés pour signature même les plus urgents ne sont pas signés jusqu’à ce jour. La plupart des fonctionnaires s’absentent de leurs bureaux ou lorsqu’ils y sont passent leur journée à ne rien faire. La directrice de cabinet qui normalement devait s’occuper des dossiers est toujours en voyage avec le Chef de l’Etat. Il est bien loin le temps où les Natchaba, Amegbo tenait le cabinet présidentiel dans la rigueur en l’absence du président. Pour le dernier déplacement en Chine, non seulement la directrice de cabinet, la dame à tout faire a voyagé mais le secrétaire général de la présidence et bien d’autres ont aussi déserté les lieux pour se retrouver en villégiature en Chine.
La présidence de la République est devenue un service fantôme déserté régulièrement par le principal occupant qui a élu domicile dans les avions suivi de certains de ses collaborateurs. Et c’est tout le pays qui se trouve ankylosé par ces absences répétées. Quant au conseil des ministres, ils s’organisent à chaque éclipse solaire comme si le Togo n’était pas suffisamment malade pour qu’on y prenne sérieusement et quotidiennement soin. Visiblement, le prince n’a pas fini de parcourir le monde. A peine revenu de Chine, il reprendra bientôt les airs pour New York afin de participer à la session de fin d’année de l’ONU ensuite il fera un détour à Genève pour le sommet de la Francophonie. Tout porte à croire que rien ne pourra dissuader l’esprit nouveau de continuer ses croisières princières tant qu’il aura les ressources de l’Etat. Où sont les autres institutions de la république chargées de contrôler l’action gouvernementale ? A cette question Nadim Khalife toujours dans son livre Comment Rebâtir le Togo dans la Paix des Cœurs donne la réponse à ces termes: «La gestion des ressources humaines dans l’administration publique n’étant pas basée sur un système méritocratique, d’une part, et d’autre part l’absence d’une Cour des Comptes capable d’expertiser les comptes publics pour les soumettre au contrôle d’un véritable parlement représentatif des intérêts populaires, tout cela constitue autant de facteurs de perte de confiance des populations démunies, de plus en plus exclues de la redistribution de la richesse nationale». Et c’est bien là la triste réalité.
Ferdi-Nando, L’Alternative
Source : http://www.etiame.com/etiame1268.htm