La France a régressé en matière de diversité. Entre 1959 et 1968, le président du Sénat s’appelait Gaston Monnerville et il était un Noir. Aujourd’hui, malgré quelques individualités ici et là, la France s’assure que les minorités visibles soient de plus en plus invisibles en termes de représentation politique. Le Parlement français n’est pas un exemple de diversité, c’est du monocolore pour ne pas dire presque tout blanc. Alors qu’aux Etats-Unis, on pourrait peut-être assister lors des prochaines élections présidentielles de 2012 à une opposition entre deux Noirs. Il n’y a qu’aux Etats-Unis que cela semble possible. Le président sortant, Barack Obama, Démocrate, sera opposé à Herman Cain, Républicain. Le premier n’est plus certain de gagner dans ces conditions compte tenu des nombreuses déceptions. En effet, de nombreuses voies, y compris parmi les Afro-Américains, estiment que Barack Obama fait la politique des Républicains et qu’à ce titre, il est peut-être préférable d’avoir un « Républicain, l’original ».
Si on avait expliqué aux premiers Noirs kidnappés d’Afrique sous l’appellation d’esclaves que 500 ans plus tard, deux d’entre eux pourraient faire campagne pour diriger les Etats-Unis, personne n’y aurait cru. Et pourtant ! Rappelons tout de même que le 1er Afro-Américain, Hiram Rhodes Revels (1822-1901), un Noir donc, qui servit au Sénat américain représentait le Mississippi entre 1870 et 1871. En 2009, le nombre d’Afro-Americains au Sénat américain était de 6. Donc, la minorité visible rencontre de gros problèmes pour devenir visible dès lors qu’il s’agit de représentation.
Revenons en France, ce sont d’abord les partis politiques français qui n’ont pas franchement ouvert et promu les Français de la diversité en politique. Aussi, les partis politiques français font semblant. Bien sûr qu’ici et là, il y a des figures qui percent. Rama Yade, Kofi Yamgnane pour ne citer que ces deux. Mais, combien sont-elles ces ressources et ces expertises issues de la diversité que les directions des partis politiques ont condamné à cirer les chaussures de leurs têtes de pont…
Car oui, il faut une tête de pont et cela se ramène souvent à de nombreuses formes de congestions pour accepter des parachutages dans des zones électorales où l’apprenti politicien de la diversité n’a que peu de chances de gagner. Discipliné, il ou elle accepte et une fois « étalé », « ramassé », mettez le mot que vous souhaitez, la direction du parti le lui reproche pour justifier qu’il n’est pas nécessaire de l’envoyer se faire éliminer… Un cercle vicieux qui cache bien sûr quelques réussites. La politique de la diversité à la française se présente comme un système de « tolérance » des minorités visibles qui sont les plus intégrées, comprenez qui ne font pas de problèmes et sont prêtes à avaler des couleuvres… certains diront des pythons ou des boas. En réalité, la politique de diversité n’est pas gérée par ceux qui sont issus de la diversité et se présente comme une politique uniforme de promotion de quelques électrons libres tout en s’assurant qu’aucun noyau dur n’émerge. Il suffit de s’assurer que la diversité se transforme en gens de la divergence, profonde si possible pour mieux les garder sous contrôle. La solution, c’est de les exposer et d’éviter de parler au lieu et place de cette France de la diversité. Il faut s’assurer que les Français de la diversité sont considérés comme des Français à part entière. Aujourd’hui ce sont des Français entièrement à part… très mal représentés… alors qu’ils payent des impôts et font profiter la France de la double culture. Une vraie richesse pour la France.
Les Africains-Français, les Noirs de France, les Français de la diversité ne sont que des sous-catégories de contribuables qui pourraient décider facilement à quelle sauce de la diversité ils ou elles seront mangés lors des élections présidentielles de 2012 en France. Encore faut-il que chacun soit conscient de sa force de frappe électorale et vote utile au premier tour en choisissant le candidat qui ne fait pas que des promesses à la minorité visible mais propose d’en faire des Français à part entière. Aujourd’hui ce sont des Français entièrement à part… Certains parlent de communautarisme… D’autres, arriérés, parlent encore de colonies et d’immigrés. C’est la diversité des appellations. N’y voyez aucun racisme de ma part. Même s’il est toujours plus difficile pour une femme de la diversité, antillaise ou africaine ou maghrébine de s’en sortir, de trouver un appartement, un job… Mais là, il s’agit plus d’un problème d’égalité entre les hommes et les femmes en général, plus visible quand on est visiblement noir.
Au-delà des discriminations qui existent bel et bien, il ne devrait pas y avoir de différences entre les populations issues de la diversité et celles dites locales. D’ailleurs, si les noirs n’étaient pas noirs, métis, créoles, etc. cela ne se verrait pas, sauf si l’accent, l’habillement, etc. prennent le dessus. La politique de la diversité devrait donc viser à instaurer une égalité de chances qui malheureusement ne peut se faire sans au moins un minium d’égalité de places en fonction du pourcentage de la représentation des « gens de la diversité » dans la population totale. Si l’intégration des citoyens de la diversité ne permet pas de résoudre les dysfonctionnements économiques, sociaux, culturels et civilisationnels, elle permet tout au moins de sensibiliser l’ensemble de la population non issue de la diversité au respect des minorités, surtout quand elles sont visibles. En France, la diversité ne rime pas avec minorités visibles. En effet, visibilité ne signifie ni terroriste, ni esclave. Juste un citoyen à part entière. En cela, l’égalité et la fraternité retrouveront leurs lettres de noblesse et les citoyens de la diversité, les leviers de la civilisation fondée sur le solidarisme 1. C’est donc la culture du respect de l’autre qui crée la dynamique de participation à un destin commun.
Encore faut-il comprendre les règles sous-jacentes de flexibilité, de participation et d’adaptabilité que cela suppose pour un esprit eurocentriste ! L’interculturalité devrait ouvrir la voie à la 3e voie qui tarde à s’imposer face aux échecs du socialisme et du libéralisme en matière de promotion de la diversité. Cette option qui répond indirectement à la crise de la démocratie représentative ne pourra pas se faire sans une forme ou une autre de démocratie participative 2 et un retour vers la communication sitologique (de site), c’est à dire au niveau de la proximité, au niveau du territoire. La démocratie de proximité comme au demeurant l’économie de proximité 3 ne pourront pas se faire sans l’apport des citoyens de la diversité.
Au-delà de la discrimination positive, c’est donc la culture du respect de l’autre qui crée la dynamique de participation à un destin commun. Elle ne pourra pas se concevoir sans faire référence à la mondialisation 4, ce qui ne veut pas dire uniformisation. Au plan politique, l’introduction d’un peu de proportionnelle dans les élections et l’acceptation du droit de vote pour les résidents étrangers non européens aux élections de proximité pourrait grandement faire avancer la représentativité des citoyens de la diversité. YEA.
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Notes:
- Yves Ekoué Amaïzo (2010). Crise financière mondiale. Des réponses alternatives de l’Afrique. Editions Menaibuc : Paris ↩
- Elizabeth Gardère et Jean Philippe Gardère (2008). Démocratie participative et communication territoriale : Vers la micro-représentativité,éditions l’Harmattan : Paris ↩
- Yves Ekoué AMAÏZO, op. cit. ↩
- Armand Mattelart (2006). Diversité culturelle et mondialisation, éditions la Découverte : Paris. ↩