27 Septembre 2010 Par Les invités de Mediapart
Les élections truquées du printemps dernier ont fait accéder le fils de l’ancien dictateur, Faure Gnassingbé, à la Présidence de la République. Depuis, les Togolais protestent et les militaires répriment violemment. Depuis le 15 septembre, les leaders des quatre partis d’opposition et leurs familles sont assignés à résidence et menacés.
Par Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’Etat à l’intégration, ancien député (PS).
Le 4 mars 2010, les Togolais étaient appelés aux urnes pour désigner le Président de la République.
Le scrutin, entaché de très nombreuses irrégularités dénoncées, notamment, par les membres de la mission d’observation électorale de l’Union Européenne (MOE), aurait dû être invalidé.
Cette insulte à la démocratie n’a, hélas, rien d’étonnant quand on connaît les mœurs politiques du pouvoir en place.
En 2005, la mort de Gnassingbé Eyadema, qui avait impitoyablement dirigé le pays pendant 38 ans, avait fait naître le chétif espoir d’une renaissance de la liberté dans ce petit pays de l’Afrique de l’ouest.
Ce rêve a été immédiatement confisqué par les militaires togolais.
Une élection leur semblant sans doute incongrue dans une dictature, ils ont intronisé, par les armes, Faure Gnassingbé, fils du « président » décédé.
Cette brutale logique a été sanctionnée, un temps, par la communauté internationale.
Cédant aux protestations des puissants de ce monde, le jeune tyran s’est résolu à organiser une kermesse électorale pour légitimer la transmission héréditaire du pouvoir.
Les Togolais, refusant l’odieuse manipulation, ont eu la force de protester dans les rues.
Les services de sécurité ont alors réprimé par la terreur, la folle impudence de vouloir être libres.
L’ONU et «Amnesty International» ont constaté les massacres, viols et tortures, dans des rapports qui n’ont manifestement trouvé que peu de lecteurs.
Il est vrai que Faure ne faisait qu’appliquer les terribles méthodes paternelles, bien connues des organisations internationales pour leur férocité.
L’autocrate stagiaire, confirmant sa filiation par le sang versé, pouvait s’assoir confortablement sur le trône présidentiel, fort de la faiblesse des institutions chargées de protéger la démocratie dans le monde.
Le résultat électoral de 2005 annonçait donc celui de 2010, avec son cortège de fraudes, d’intimidations et d’arrestations arbitraires.
Ces dénis de justice n’ont pas empêché, encore une fois, le peuple togolais d’exprimer sa juste colère.
Avec un courage renouvelé, des femmes et des hommes continuent, en masse, à organiser des marches, des veillées de prière, grèves et manifestations, durement réprimées par les séides du pouvoir.
Le 15 septembre dernier, la situation s’est fortement détériorée.
A cinq heures du matin, les militaires ont encerclé les domiciles des quatre grands responsables des partis d’opposition unifiés au sein du Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC).
Jean Pierre Fabre, président de l’UFC (Union des forces de changement) et vrai vainqueur du scrutin du 4 mars, Aimé Gogué, président de l’ADDI (Alliance des Togolais pour le développement intégral), Tchessa Abi, président du PSR (Pacte socialiste pour le renouveau) et ancien ministre de la justice, Kodjo Agbeyomé, président d’Obuts (Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire) et ancien Premier ministre, sont séquestrés chez eux, leurs familles, également assignées à résidence, sont l’objet de menaces directes.
Cet attentat liberticide démontre l’incapacité de Faure Gnassingbé à diriger le pays autrement que par la violence.
Son attitude témoigne également de l’affolement d’un pouvoir qui se sait illégitime.
Incapable de faire taire l’opposition populaire, la dictature tente de décapiter l’organisation qui l’anime.
Cette violence permanente s’inscrit dans une stratégie de la terreur dont la presse est également l’objet.
Le monarque togolais n’hésite pas à employer les moyens les plus improbables pour briser la résistance des journalistes, témoins gênants de la lutte démocratique.
Il a ainsi traîné devant la « justice togolaise » les quatre organes de presse vraiment indépendants à qui il réclame 100 millions de francs CFA chacun !
La mise à mort économique de la libre expression complète des manœuvres d’intimidation, de corruption et d’agression dont les média sont quotidiennement victimes.
Pourtant la victoire n’a jamais été aussi proche, que dans ces terribles circonstances où l’on pourrait croire tout espoir éteint.
L’hystérique brutalité du pouvoir est à la mesure de la détermination du peuple togolais à se libérer.
Les Togolais savent que la dictature n’acceptera pas la sanction d’un vote démocratique transparent: c’est pourquoi l’épreuve de force doit continuer !