Un laconique communiqué publié le 14 avril 2010 sur l’évolution du processus démocratique en terre togolaise depuis l’organisation de la présidentielle du 04 mars. C’est ce à quoi se résume la prise de position de la gauche autour des dernières vicissitudes qu’a connues la douloureuse marche de ce petit Etat de l’Afrique occidentale vers la démocratie. Vu d’un pays africain comme le Togo, on est tenté de décerner la mention « peut mieux faire » au PS (Parti socialiste) ; une formation politique qui se veut contestataire de la lecture que fait le plus clair du temps l’Elysée de la politique africaine…
Dans son adresse à la classe politique togolaise, mi-avril 2010, le PS laissait entendre que ses « fortes réserves exprimées » en février dernier (2010) sur la préparation de la joute présidentielle du 04 mars, avec entre autres « le rejet abusif » de la candidature de Kofi Yamgnane, « l’absence de consensus entre forces politiques sur le mode de scrutin et son déroulement, se trouvent aujourd’hui justifiées ». Et de préciser en guise d’adoption d’une position sur l’organisation de la présidentielle du 04 mars 2010 que « le scrutin qui s’est tenu n’a pas abouti à un résultat incontestable ». Une donne qui aux yeux du Parti de Martine Aubry « conduit aux tensions observées dans le pays ».
Certes, cette lecture sus-décrite du principal parti d’opposition en France sur la présidentielle togolaise du 04 mars est en dichotomie avec les « félicitations adressées par Nicolas Sarkozy » à son pair Faure Gnassingbé. Cette position du Ps est même atypique dans le giron des réactions en provenance d’une manière générale de l’Occident, depuis l’organisation et la proclamation des résultats (provisoires et définitifs) du dernier scrutin présidentiel en terre togolaise.
Toutefois, la sortie médiatique du parti de Ségolène Royal sur le Togo porte encore des stigmates de la diplomatie gantée avec laquelle les Occidentaux aiment aborder les sujets sensibles dans leurs ex-colonies. Pourquoi en lieu et place de la formule « le scrutin qui s’est tenu n’a pas abouti à un résultat incontestable », les opposants du Ps n’ont pas tout simplement affirmé que l’élection du 04 mars au Togo ne répond pas aux normes démocratiques ? Le rapport préliminaire rendu public par la Moe-UE (Mission d’observation électorale de l’Union européenne) sur cette joute électorale et les nombreux griefs soulevés par l’opposition togolaise en amont et en aval du processus ayant accouché de ce scrutin sont pourtant assez évocateurs sur les conditions particulières dans lesquelles Faure Gnassingbé a été « proclamé vainqueur » de cette présidentielle.
Le quotidien de gauche français, « Libération », ne s’est-il pas interrogé dans ses colonnes, juste après l’organisation du scrutin présidentiel précité : « Faut-il encore organiser des élections au Togo » ? D’ailleurs, dans le même communiqué cité en début d’article, la gauche française appelait « les autorités togolaises à prendre acte des manques de la présidentielle du 04 mars pour permettre un retour à un véritable ordre démocratique au Togo ». Le PS « demandait également aux institutions européennes de dresser un bilan précis de l’utilisation des fonds qui ont été alloués à l’organisation de ce scrutin présidentiel et à tirer toutes les conséquences des tensions politiques observées en ce moment au Togo ».
Dénoncer du bout des lèvres, nouvelle devise du PS en Afrique ?
« Gauche, droite, c’est la même chose ; gauche, droite, il faut changer les choses », dixit le reggaeman ivoirien, Tiken Jah Fakoly, dans l’un de ses morceaux figurant sur son album l’Africain. Une caricature qui correspond de plus en plus aux prises de position du PS sur d’importants sujets mêlant les relations entre la France et l’Afrique. C’est dire une fois de plus, indirectement, que dans le jeu des relations étatiques, « les pays n’ont pas d’amis, mais que des intérêts », comme l’affirmait le défunt général de Gaulle ! Au PS de prouver le contraire de cette affirmation aux Africains qui se battent quotidiennement pour que prévale la force de la loi et non la loi de la force sur leur territoire. Quand Nicolas Sarkozy, dans la peau du président nouvellement élu, s’est permis de tenir son “célèbre” discours de Dakar sur « l’homme noir », il a fallu de longs mois pour que le PS prenne le contre-pied des faussetés contenues dans le discours présidentiel. Par le truchement de Ségolène Royal. En réalité, parler de contre-vérités du Ps dans le cadre de ce fameux discours est un peu exagéré, dans la mesure où Ségolène Royal qui a donné la réplique au président français s’est exprimée en son nom personnel !
Un peu comme la quasi injonction brandie par feu François Mitterrand à l’endroit des dirigeants africains dans la foulée du « vent de l’Est » n’avait jamais été suivie d’effets concrets… A la faveur d’une allocution prononcée à l’occasion de la séance d’ouverture de la 16ème Conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique, le 20 juin 1990 à la Baule (en France), François Mitterrand disait entre autres à ses pairs africains : « La démocratie, c’est le chemin de la liberté sur lequel vous avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du développement (…) Je conclurai en disant que la France liera tout son effort de contribution (financière) aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté (…) ». Blaise Compaore, Omar Bongo Ondimba, Eyadèma Gnassingbé, Lansana Conté, Abdou Diouf, etc. survivront à cette injonction au moyen de contorsions démocratiques dont ils ont seuls les secrets.
Impuissance de la gauche au pouvoir en France de 1981 à 1995 pour forcer le déracinement des monolithismes politiques en Afrique ou ce sont les régimes dictatoriaux en place au cours de cette période sus-mentionnée sur le continent noir qui étaient coriaces ? Une chose est certaine, la parenthèse des conditionnalités de l’aide au développement (en Afrique) à la démocratie, sous la gauche française, n’a eu que de légères répercussions sur les dictatures en Afrique. Dictatures qui du coup se sont fossilisées un peu plus quand la droite a remporté la présidentielle de 1995 en France. Avec entre autres l’arrivée au pouvoir de « Jacques Chirac l’Africain » et « ami personnel du dictateur Eyadèma » !
L’Afrique ne constitue pas certes une région administrative de la France. « Mais, quand il pleut à Paris, l’Afrique est mouillée », comme aime à le répéter la rue africaine. 50 années après les « indépendances africaines », la gauche française doit intégrer ce facteur dans ses calculs pour la conquête du pouvoir et ses prises de position dans le débat politique du continent noir. Un Français, socialiste ou gaulliste, restera toujours un « Blanc » ; mais ses convictions doivent dépeindre tous les jours l’éthique de la formation politique dont il se réclame. C’est véritablement en cela que les déclarations du PS pourraient être bénéfiques aux fils et filles d’Afrique paupérisées en partie par la « Françafrique » de la droite française…
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mercredi 19 mai 2010 par Jacques GANYRA, © AfriSCOOP© Copyright Afriscoop http://fr.africatime.com/togo/togo